À propos

À propos

« L’univers d’Anne Emmanuelle Marpeau est un univers fantastique, merveilleux, où la réalité valse dans les grands fonds avec la magie, presque enfantine, d’une artiste inclassable.

Dans des boîtes peintes et vitrées, en trois dimensions, avec des matériaux très simples, elle met en scène aussi bien le rêve prémonitoire d’un marin qui à raison, aura refusé de s’embarquer, la construction et la mise à l’eau du tout premier monotype en 1887, sur une île du Maine, l’inauguration d’un phare ou le naufrage d’un vapeur avec à son bord la ménagerie d’un cirque.

Elle montre la vie sur les rivages au temps de la marine à voile, elle montre des marins luttant pour leur vie contre les éléments déchaînés d’une nature devenue monstrueuse. Elle montre le calme des grands fonds où les noyés reposent, les abysses silencieux peuplés de rorquals, de cachalots et de pieuvres gigantesques. Et surtout, elle montre les petites gens au travail, célébrant la vie, au jour le jour ».

Christophe Rey, réalisateur

Le lieu des songes

« Un élément tout à fait significatif de l’approche d’Anne-Emmanuelle Marpeau c’est une totale empathie de l’artiste vis à vis des communautés maritimes de pêcheurs. Dans son travail, si les bateaux présentent des formes, des voilures scrupuleusement étudiées, les hommes et leurs gestes priment. L’humain domine chaque scène. L’humain chez Emmanuelle Marpeau c’est le marin, sa compétence d’homme de mer, sa tenue, sa gestuelle, son corps à corps avec l’embarcation. On pourrait croire au premier abord qu’elle montre dans ses ex-voto la mort, le naufrage. À bien y regarder, elle représente majoritairement des scènes qui grouillent de vie. Le sujet, l’humanisation du sujet, c’est Anne-Emmanuelle Marpeau.

Il y a aussi, et c’est quelque chose de plus récent me semble-t-il dans son répertoire, une approche totalement rêvée, totalement onirique du ciel, de la mer, de l’horizon maritime. Quelques fois, d’ailleurs, ces trois éléments se mêlent profondément, grâce à des artifices artistiques qui sont organisés autour de bleus absolument sublimes et d’un raffinement exceptionnel.

Si l’on cherche à rattacher son travail à un certain nombre d’usages populaires anciens, le fait d’apposer systématiquement une vitre sur ses boîtes, c’est se comporter comme avec une chambre photographique, qui va diaphragmer une scène, et permettre de l’explorer en détail. L’apposition de la plaque de verre c’est pour que tout ceci ne s’échappe pas, surtout pour que tout ceci soit fixé pour longtemps. Les abysses marins d’Anne-Emmanuelle Marpeau ne sont pas des abysses funestes. Ce sont les lieux de ses rêves, de ses songes, et la plaque de verre qui clôt la boîte fixe son rêve.

Les boîtes d’Anne-Emmanuelle ont quelques parentés avec les ex-voto, ou les sous-verre, mais elle s’est détachée de cet usage traditionnel pour en faire un élément de sa création artistique personnelle. Rattacher son travail à un courant artistique est difficile, elle fait son chemin individuel, en artiste libre. Il y a des éléments du surréalisme, c’est indiscutable, par instants, mais pas de façon régulière. Il y a un pays des merveilles à l’intérieur de ses boîtes, parce qu’il y a une imagination active, très agissante, et d’autant plus spectaculaire et perceptible par nous qu’elle est très colorée. 

Forte d’une connaissance ancienne de la mer, instruite de l’ethnologie maritime, respectée par les historiens autant que par les connaisseurs des questions maritimes pour la véracité de ses sujets, elle traduit avec art l’univers maritime sans que le vérisme s’impose à elle, car l’art du rêve est le socle de son expression sensible ».

  • Pascal Aumasson, conservateur du musée des Beaux-Arts de Brest

Un intérêt patrimonial

« Je suis persuadé que les boîtes d’Anne-Emmanuelle Marpeau ont une valeur patrimoniale, dans la mesure où elle intègre énormément d’éléments qui ont été vérifiés. Elle travaille en archives, elle consulte les bulletins locaux racontant des aventures ou des fortunes de mer qui ont été vécues à la fin XIXème, début XXème.

Certaines de ses boîtes ont de longs textes qui racontent une histoire de vie, qui est synthétisée, comme figée un instant dans ses dioramas. Figé n’est pas le bon mot parce qu’elle arrive à donner du galbe à ses voiles, envoler des goélands, faire déferler la mer ou non. Tout ça est senti avec une justesse qui me touche beaucoup, et j’avoue que je partage sa sensibilité, je l’admire. C’est ma petite sœur en matière maritime, et pas mal d’autres gens doivent pouvoir dire la même chose. Elle exprime très bien ce que nous essayons de dire très maladroitement par le texte, elle l’exprime très bien par son art dont elle parle peu, elle le crée. C’est sa façon de vivre la mer.

Le fait qu’elle ait navigué, et sur un bateau traditionnel en plus, a de la valeur, cela veut dire qu’elle évite toutes les chausses-trappes et les pièges qui existent dans ce genre de réalisation. La peinture marine, qu’elle soit faite par Paul-Émile Pajot ou par un peintre académique, doit être parfaite sur le plan marin.

Ce n’est pas indifférent, mais néanmoins, c’est infiniment moins important que cette vie intérieure très riche qu’il y a en elle, qu’elle exprime peu par les mots, mais qu’elle mène dans son atelier, quand elle réalise en trois dimensions ces visions qu’elle a, visions poétiques et ethnographiques, pourrait-on dire.

Et moi, j’admire beaucoup la sensibilité et la finesse avec lesquelles elle y parvient ».

  • Bernard Cadoret, ethnologue maritime et fondateur de la revue Le Chasse-Marée