« Un élément tout à fait significatif de l’approche d’Anne-Emmanuelle Marpeau c’est une totale empathie de l’artiste vis à vis des communautés maritimes de pêcheurs. Dans son travail, si les bateaux présentent des formes, des voilures scrupuleusement étudiées, les hommes et leurs gestes priment. L’humain domine chaque scène. L’humain chez Emmanuelle Marpeau c’est le marin, sa compétence d’homme de mer, sa tenue, sa gestuelle, son corps à corps avec l’embarcation. On pourrait croire au premier abord qu’elle montre dans ses ex-voto la mort, le naufrage. À bien y regarder, elle représente majoritairement des scènes qui grouillent de vie. Le sujet, l’humanisation du sujet, c’est Anne-Emmanuelle Marpeau.
Il y a aussi, et c’est quelque chose de plus récent me semble-t-il dans son répertoire, une approche totalement rêvée, totalement onirique du ciel, de la mer, de l’horizon maritime. Quelques fois, d’ailleurs, ces trois éléments se mêlent profondément, grâce à des artifices artistiques qui sont organisés autour de bleus absolument sublimes et d’un raffinement exceptionnel.
Si l’on cherche à rattacher son travail à un certain nombre d’usages populaires anciens, le fait d’apposer systématiquement une vitre sur ses boîtes, c’est se comporter comme avec une chambre photographique, qui va diaphragmer une scène, et permettre de l’explorer en détail. L’apposition de la plaque de verre c’est pour que tout ceci ne s’échappe pas, surtout pour que tout ceci soit fixé pour longtemps. Les abysses marins d’Anne-Emmanuelle Marpeau ne sont pas des abysses funestes. Ce sont les lieux de ses rêves, de ses songes, et la plaque de verre qui clôt la boîte fixe son rêve.
Les boîtes d’Anne-Emmanuelle ont quelques parentés avec les ex-voto, ou les sous-verre, mais elle s’est détachée de cet usage traditionnel pour en faire un élément de sa création artistique personnelle. Rattacher son travail à un courant artistique est difficile, elle fait son chemin individuel, en artiste libre. Il y a des éléments du surréalisme, c’est indiscutable, par instants, mais pas de façon régulière. Il y a un pays des merveilles à l’intérieur de ses boîtes, parce qu’il y a une imagination active, très agissante, et d’autant plus spectaculaire et perceptible par nous qu’elle est très colorée.
Forte d’une connaissance ancienne de la mer, instruite de l’ethnologie maritime, respectée par les historiens autant que par les connaisseurs des questions maritimes pour la véracité de ses sujets, elle traduit avec art l’univers maritime sans que le vérisme s’impose à elle, car l’art du rêve est le socle de son expression sensible ».